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Au bord de l'errance

En rentrant chez lui, un soir de décembre, William, quinze ans, trouve sa mère à la cuisine, livide. Dans ses mains, une lettre : la petite famille doit quitter son logement pour juillet prochain. Or, déménager, cela signifie devoir payer un loyer plus cher, ce que le modeste salaire de commis de dépanneur de sa mère permet difficilement…


Pour William, sa mère Julia et la petite Claire – qui, à trois ans, est trop jeune pour prendre la mesure du drame qui se joue – s’entame alors une quête qui devient de plus en plus angoissante et désespérée tandis que les semaines passent et que l’échéance approche. Will voit avec effarement les sacrifices que la situation leur impose, alors que Julia, grugée par la culpabilité de partager ce « problème d’adulte » avec son aîné, enchaîne les démarches pour tenter de sortir les siens du pétrin. Et malgré leurs efforts, lorsque vient la date fatidique, ils n’ont toujours pas trouvé de nouveau toit à la mesure de leurs moyens…


En entrecroisant les voix de Will et de Julia, Valérie Fontaine montre de l’intérieur les conséquences de la crise du logement, autant pour les adultes que pour les enfants déracinés, grands oubliés de l’équation.


 

Si vous avez envie de rager envers la société, le monde, le système, ce livre est parfait pour vous. C'est tellement de colère que j'ai ressentie durant ma lecture. Pas envers le livre, non, envers la vie et cette société qui prend une direction effrayante, épouvantable et déshumanisante. À quel moment l'humain est-il devenu aussi égocentrique ? L'a-t-il toujours été? À quel moment le capitalisme a fait en sorte qu'une personne, seule ou avec des enfants, ne puisse pas avoir un toit sur la tête parce qu'un loyer est exorbitant ? Parce que des gens refusent de louer à cause d'enfants, d'animaux et pleins d'autres raisons ? C'est à peine exagéré quand on dit que pour louer un taudis il faut que tu sois seul, que tu fasses cent mille dollars par année, que tu aies le meilleur crédit du monde, que tu sois PDG d'une compagnie, immunisé contre toutes les maladies, que tu n'aies aucun ami ni vie sexuelle, parce qu'il ne faudrait pas que tu invites des gens et que tu fasses du bruit. Non, mais sérieusement, dans quel monde on vit ? Dans un monde au bord de l'errance, clairement.


Ce roman décrit très bien la peur de terminer à la rue. L'itinérance n'est pas une situation que quelqu'un veut vivre, encore moins avec des enfants, mais quand les solutions s'amenuisent, la terreur de ne plus avoir un toit sur la tête prend le dessus. Honnêtement, j'en aurais pris plus, de ces émotions-là. Mon principal reproche c'est qu'il était parfois difficile de savoir qui était le narrateur entre la mère et le fils avant d'être bien avancé dans un paragraphe. Ainsi, certaines émotions que je pensais vives pour un adolescent étaient en fait vécues par la maman. J'aurais apprécié que la mère se fâche encore plus, qu'elle laisse sortir sa frustration envers cette injustice, ce désespoir, ce système qui est en train de la laisser tomber. Cette terreur de ne pas pouvoir abriter ses deux enfants, de devoir possiblement se débarrasser de l'animal de compagnie, car les chiens sont refusés partout. L'humain n'est pas fait pour vivre autant de peur, de colère, de tristesse, de désespoir et de vulnérabilité. L'histoire nous en montre, mais c'était encore un peu trop en surface à mon goût. Le bobo était gratté, mais pas jusqu'au sang. Même le fils, William. Il utilise la musique pour se libérer l'esprit, claque sa porte de temps en temps, passe des commentaires, mais pour un adolescent être déraciné de la sorte c'est épouvantable. C'est une perte de repère, c'est une chute de l'estime personnelle, c'est un dérèglement important dans son processus identitaire. Encore une fois, on en a, mais une plus grande profondeur aurait fait de ce livre un coup de cœur pour moi.


À part cet élément, le reste montre parfaitement la situation catastrophique du moment avec la crise du logement au Québec. Qu'une personne seule ne peut pas se payer un loyer ! Une personne avec des enfants, c'est encore pire. Ce n'est pas dit dans le livre, mais on en parle-tu des 4 et demi à 2500$ par mois qui cherchent une personne seule ou un couple tranquille ? Tabarnak d'esti de calisse, c'est quoi ça ? C'est cette colère-là que j'ai ressentie en lisant Au bord de l'errance. Qu'une femme qui buche sa vie pour faire vivre ses deux enfants après que le père ait sacré son camp comme un lâche n'est même pas capable de trouver un loyer propre avec un prix qui a de l'allure !


Je crois que j'ai pu autant ressentir les émotions de Julie, la mère, parce que même sans enfant, je suis passée par là il y a quelques mois. Après m'être séparée, j'ai dû cohabiter avec mon ex-conjoint pendant huit mois parce que les logements disponibles prenaient mon revenu en entier ou bien il n'y avait juste aucun appartement à louer. J'étais rendue à faire comme Julie, me louer une chambre de motel à 500$ par mois, car c'est tout ce que je pouvais me permettre. C'était laissé derrière mes trois chats, mes meubles, tout ce qui m'appartient. Heureusement, mon ex était compréhensif et il voyait bien que j'étais à court de ressource, mais la situation était tendue. J'ai finalement trouvé un appartement à prix normal avec une propriétaire extraordinaire qui est devenue une amie. Et je souhaite ça à tous. Donc vous comprendrez que ce livre m'a énormément émue, car je souhaitais une belle fin à Julia, William et Claire. À toutes ces familles qu'ils ont rencontrées.


Même en écrivant cet avis, j'ai les larmes aux yeux, j'ai les mains qui tremblent. Je pense à toutes ces personnes qui sont présentement dans la rue, dans des tentes qui se font déloger rapidement, à ces personnes qui veulent juste vivre normalement ! Je pense aux personnages du livre qui m'ont fait pleurer. Je pense à ça souvent, parce que je suis reconnaissante de la chance que j'ai eue. Mais je trouve ça épeurant pour l'avenir. Ce sera quoi dans deux ou cinq ans ?


La crise du logement est d'une tristesse et c'est épouvantable de voir le taux d'itinérance grimper dans un pays qui se vante riche. Riche de quoi ? Certainement pas de cœur.


Au bord de l'errance, c'est un livre nécessaire. Il fait mal, certes, mais il est essentiel pour sensibiliser encore plus sur ce que vivent des familles tous les jours. J'ai une pensée pour toutes les Julia du moment. Merci pour ces mots fracassants. Ce livre va avoir marqué mon esprit et pris une petite partie de mon cœur au passage.


Soyez reconnaissant de ce que vous avez. Du toit qui se trouve au-dessus de vous. Même si ce n'est que quelques secondes... soyez reconnaissants.


 


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