Un influenceur charismatique qui lutte avec acharnement pour la dignité des plus démunis.
Une brillante étudiante militante amoureuse d’un homme qu’elle vénère autant qu’elle craint.
Un sergent-détective téméraire qui enquête sur les meurtres étranges de grosses pointures de la pègre.
Un ancien tueur à gages redouté de tous, forcé de sortir de sa paisible retraite afin de régler des comptes...
Au fil des siècles, le personnage de Robin des bois a incarné différents rôles : voleur gentlemen au grand cœur, ancien noble qui prend aux riches pour redonner aux pauvres, criminel détroussant et massacrant les mieux nantis pour son propre bénéfice... Quel masque ce personnage aussi célèbre que complexe portera-t-il dans ce Conte Interdit ?
Il y a quelques jours, j'ai publié une critique d'un autre Conte interdit en expliquant que soit ça passe, soit ça casse, soit ça tombe dans la craque du milieu. Eh bien, ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un livre de la collection de cette qualité. Et je suis très sérieuse quand je dis que ça faisait longtemps. Mon dernier cinq étoiles date du bonhomme sept heures, qui a été publié en janvier 2023 et mon numéro 1 était indétrônable depuis Cendrillon, publié en mars 2020. Mais, c'est officiel. Après plus de quatre ans comme favori, Cendrillon laisse sa place à Robin des Bois. Parce que laissez-moi vous dire à quel point ce livre était tout simplement exceptionnel.
La plume de Simon est délicieuse à lire. Il a une façon de rendre ses phrases fluides, elles se lisent toutes seules, coulent par elles-mêmes et permettent de nous embarquer entièrement dans le récit. Une plume soignée, mais qui a des tendances familières. Outre le nonobstant qui figurait un peu trop souvent à mon goût, je n'ai vu aucun défaut au niveau de l'écriture.
On a une histoire policière qui nous entraîne immédiatement et des scènes gores qui font frissonner, mais qui ont leur raison d'être dans le récit (j'en compte trois). Pas trop de sexe inutile, voire de sexe tout court. Il y a un excellent équilibre entre le point de vue des enquêteurs et de Marianne, que celui de Robin et la bande des Joyeux Compagnons. C'est une adaptation sans faille.
Le conte original de Robin des Bois a toujours été ambigu pour l'appréciation des lecteurs. Même la version Disney. Certains vont trouver la cause de Robin juste et excuser sa criminalité, alors que d'autres ne seront pas du tout d'accord avec son comportement et voudraient le voir dans une geôle. C'est ce même dilemme qu'on retrouve dans le conte interdit. Tout a été pensé. La forêt de Sherwood qui laisse place à la ville de Sherbrooke. Robin des Bois, de son origine Robin Hood, devient Robin Houde, nom de famille très populaire au Québec. Tous les personnages importants sont présents : Marianne, Will l'écarlate, Frère Tuck, Petit Jean, Alan, mais aussi Guy de Gisbourne qui devient le Sergent-Détective, laissant le rôle de chasseur de prime au Shérif de Nottingham. J'ai trouvé ça drôle un peu cette inversion de rôle, mais c'était très cohérent avec les personnages originaux, donc je n'ai rien à dire sur cette petite liberté du retelling.
Outre les personnages, on a également la modernisation de la cause de Robin qui vient prendre une énorme place. Le "justicier" est toujours bien présent et cherche à passer son message, à attiser des partisans à sa cause. Une cause gauchiste qui se colle à la perfection avec la politique québécoise et mondiale du moment. Un personnage qui critique l'extrême gauche, tout en usant de moyens extrêmes pour faire monter la gauche politique. C'était très bien pensé et particulièrement intéressant à voir. L'autre élément moderne, c'est la fameuse tendance des gens qui vont aider des sans-abris ou des personnes dans le besoin en leur donnant de l'argent s’ils ont un grand cœur et sont prêts à aider, même s'ils sont eux-mêmes dans le besoin. Ce genre de vidéo TikTok est de plus en plus virale, mais c'est le cercle vicieux du : tu donnes, tu filmes, tu postes, tu as des vues, tu reçois de l'argent sur ta vidéo, donc tu donnes, tu filmes, tu postes, tu as des vues. C'est de la même manière que Robin aide sa cause et donne de la visibilité aux Joyeux Compagnons : grâce aux réseaux sociaux et à cette tendance. C'est extrêmement bien pensé.
Puis, je l'avoue, je n'ai pas du tout vu venir les twists. J'ai lâché des "Holy shit", des "Oh câlisse !", pis une couple de "Ben non?". Lorsqu'on comprend qui se trouve derrière l'identité du Shérif, ce n'est pas des blagues, j'ai lâché le plus gros gasp de ma vie, j'ai fermé le livre, j'ai regardé mon plafond pendant facilement 10 minutes en questionnant mon existence. Jamais je n'aurais deviné. Jamais, je n'aurais su. Je pensais même que c'était un personnage d'un autre conte ! J'ai été chamboulée par ces retournements de situation. J'ai ri, j'ai ragé, j'ai eu de la compassion. J'ai trouvé Robin extrêmement cave, mais également en évolution avec la soif insatiable qu'il a pour sa "cause", juste, mais aucunement faite de la bonne façon. Comme le conte original. Plus l'histoire avançait et plus je comprenais comment on pouvait détester Robin, car malgré son charme, ses valeurs ne sont pas nécessairement positives.
En somme, ce retelling de Robin des Bois a été géré d'une main de maître. Je m'incline devant cette œuvre exceptionnelle.
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