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Photo du rédacteurMione

Dis-moi qui doit mourir & Dis-moi qui doit vivre

Depuis qu'un drame immense l'a frappé, Antoine ne supporte plus les injustices. Il lit les journaux, comme tout le monde, mais ça ne passe plus. Selon lui, les ordures s'en sortent. Presque toujours. Ce sont les gens bien qui perdent. Si seulement, juste une fois, il pouvait rectifier le pointage entre les bons et les salopards. Faire gagner les gentils. Bêtement.


Un soir, l'occasion se présente bien malgré lui : il sauve la vie du plus gros caïd de Montréal. Un homme puissant, un psychopathe. Pour rembourser sa « dette d'honneur », Sir Chuck fait cadeau à Antoine de… cinq morts. Celui-ci est donc dans l'obligation de lui remettre le nom de cinq personnes qui doivent mourir. Bien sûr, c'est une offre qu'il « ne peut pas refuser… »


***

Quelques mois après la disparition du caïd Sir Chuck, Antoine Aubin se trouve impliqué malgré lui dans l'histoire d'un psychopathe en phase terminale qui veut partir avant de subir son procès pour meurtre. Avec l'assistance du lieutenant-détective Donald McGraw, Antoine tente d'empêcher le monstre d'arriver à ses fins. Pour le policier, une enquête prend une drôle de tournure : un tueur – probablement en série – s'en donne à cœur joie en assassinant des criminalistes de manière très très créative. McGraw et Antoine devront faire équipe en jouant avec la vie, la mort, les bons et les méchants… encore une fois.


Un polar captivant où s'entremêlent des enquêtes policières fébriles, un serial killer, des avocats de la défense à la morale élastique, de l'humour et bien sûr… un civil indigné.


 

Cette critique contient les deux tomes de la duologie Dis-moi qui doit..., des spoilers peuvent s'y glisser.


Dis-moi qui doit mourir...


Pardonnez mon langage, mais ça c’est ce qu’on appelle un crisse de bon roman policier ! Il faut du talent pour créer un livre dans ce genre littéraire, vraiment. De créer des personnages qui doivent répondre à certains clichés, tout en étant originaux, respecter les règles du genre (le plus possible), construire de A à Z une enquête policière tout en gardant le lecteur engagé. Pour moi, c'est une réussite, puisque j'ai embarqué du début à la fin dans l'histoire. Malgré quelques passages plus longs ici et là, j'étais incapable de m'empêcher de continuer à lire.


Le point original du récit, c'est qu'on sait qui est le méchant. On sait donc le Qui, le Quand, le Où, le Comment et le Pourquoi. Les cinq questions qu'on se pose normalement quand on cherche le coupable. Vous vous dites peut-être que ça sert à quoi de lire un livre si on sait qui est recherché par la police ? Ou en quoi ça en fait un bon roman policier ? Parce que les questions plus hautes sont toujours d'actualité, il suffit de poser les bonnes questions. Qui va se retrouver à la morgue ? Quand Antoine prendra sa décision ? Où se déroulera le meurtre ? Comment la personne choisie sera tuée ? Pourquoi Antoine a choisi cette personne ? Point bonus : Qu'est-ce qui va arriver à Antoine ?


On a donc un thriller engageant, intriguant avec les cinq questions qui ne se concentrent pas sur le coupable, mais bien sur les victimes, parce que c'est là qu'on nous mène à réfléchir. Dans les médias ou même dans les reportages de True Crime, l'accent est mis sur la personne qui a commis le meurtre et non pas qui a perdu la vie. Prenez comme exemple la série Monsters sur Netflix. La première saison se déroule du point de vue de Jeffrey Dahmer, la deuxième sur les frères Erik et Lyle Menendez. Leurs victimes, ils sont la cause de la popularité de leur meurtrier. Triste, mais réel. Néanmoins, cela nous mène vers une autre question qu'on se pose souvent : pourquoi ces personnes en particulier ont été tuées ? Personne ne mérite d'être exécuté (à quelques exceptions près, honnêtement), alors, le fameux pourquoi revient.


Et c'est exactement la réflexion que nous offre ce roman policier. Entre la police qui représente la justice, la mafia qui représente la criminalité et le citoyen indigné qui représente l'entre-deux sans aucun pouvoir, qui est le gentil et qui est le méchant ?

Cette histoire, extrêmement bien ficelée et qui sait nous tenir en haleine, vient surtout nous faire remettre en question nos idéologies concernant la justice, le droit de vie ou de mort, la présomption d'innocence et la loyauté. À la place d'Antoine, si on m'offrait cinq mots sur un plateau, j'en aurais pour moins de quinze minutes à choisir. Peut-être que ça fait de moi une mauvaise personne, mais je l'assume. Je n'irais pas donner des noms de personnes que je déteste ou qui m'ont blessé à un moment de ma vie, ça ne vaut pas la mort. Mais, donnez-moi accès à google afin que je puisse rechercher des noms de pédophiles multirécidivistes et la dette du caïd est remboursée. Dans un sens, c'est un peu le même principe qu'Antoine a suivi sous son rôle de justicier. Cela ne l'a pas empêché de se remettre en question souvent sur le sens moral. Qui est-il pour décider qui doit mourir ? Moi, ma conscience sera paisible de savoir que cinq déchets de la société auraient été effacés de la surface du monde. Et il y en a qui ne seront pas d'accord, ni avec moi ni avec Antoine. C'est là la beauté de ce roman.


Mais ça va toujours me faire penser à une phrase qu'un meurtrier a dite devant un juge. Pour mise en contexte, l'homme méritait d'être en prison et je ne remets pas sa place en question. Mais, en prison, il a assassiné son camarade de cellule qui se vantait et décrivait ce qu'il faisait à des enfants. Il est passé devant le juge sans remords, avouant être coupable et qu'il le referait. Et il a dit, et je cite : "it's not my position to judge anybody. I want to make it quite clear that I didn't judge him. I know God is the only judge we have. I just set the appointment up."


Il n'y a pas, selon moi, meilleure explication aux actions d'Antoine dans le roman.

Et le meilleur dans tout ça ? C'est que vous risquez de plus rire en tournant les pages que d'être dégoûté. Peut-être que ça en dit beaucoup sur les humains que nous sommes devenus ou peut-être que ça nous fera réfléchir sur les humains que nous devrions devenir.


Dis-moi qui doit vivre...


Je parlais d'humour... dans ce deuxième tome, j'ai ri à en avoir mal aux côtes. Un chapitre entier mériterait d'être cité tellement tout dans celui-ci était à mourir de rire.

J'ai adoré l'enquête principale et surtout, l'originalité des meurtres. Ce n'est pas très gentil de se moquer de cadavres, même s'ils sont fictifs, mais les personnages avaient le don de décrire la scène pour qu'on ne puisse s'empêcher de se prendre un billet aller-simple pour l'enfer entre deux ricanements. Oups. Néanmoins, cette originalité vient surtout nous montrer que parfois le message est plus important que la personne qui perd la vie. Dans ce cas-là du moins.


Une deuxième fois, on connaît le criminel, puisqu'on a son point de vue. L'important dans ces livres ce n'est pas de trouver le méchant. Dans celui-ci, je dirais que l'élément primordial est de trouver le pourquoi. C'est mon petit plaisir dans les romans policiers, puisque je vais souvent me spoiler le Qui, afin de lire le livre en me concentrant sur les motivations du (ou des) criminel. Contrairement au premier où les cinq questions sont répondus avec Antoine, ici on a un certain degré de mystère qui n'était pas désagréable.


Aussi, on se retrouve avec deux enquêtes en même temps. D'un côté, les agents de police sont à la recherche d'un meurtrier d'avocats, dont on a quelquefois le point de vue. De l'autre côté, Antoine aide un père endeuillé à faire en sorte que le présumé violeur et meurtrier de sa fille n'ait pas le droit à l'aide médicale à mourir. C'est donc une course contre la mort des deux bords, puisque les policiers essaient de trouver le coupable avant qu'un autre avocat meure, alors qu'Antoine cherche à trouver assez de preuves pour empêcher (ou retarder) la mort d'un possible criminel.


La critique du système de justice est encore bien présente. Honnêtement, un peu comme plusieurs des personnages du livre, je me suis questionnée souvent sur comment les avocats de la défense pouvaient vivre avec leur conscience, surtout s'ils savent leur client coupable du crime dont on les accuse. Je comprends que tout le monde a le droit à être défendus devant la loi, puisqu'on est innocent jusqu'à preuve du contraire. Les avocats font simplement leur travail, mais comment peux-tu rentrer chez toi, sereinement, en te disant que tu as aidé à remettre un ou une criminelle en liberté ? Qui risque de se retrouver à nouveau à la même table, à la même chaise, avec la même défense, à un autre moment, car il ou elle aura récidivé. Ça me dépasse ! C'est là, la réflexion de ce deuxième tome. Est-ce que la justice fait bien son travail ? Selon moi, non, car on retrouve des innocents emprisonnés et des multirécidivistes dans nos rues. De nouveau, c'est réfléchir aux victimes avant les criminels, encore plus loin, plus profondément. C'est pourquoi je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir de l'empathie pour Rémi. Ses gestes étaient préparés et violents, mais la raison me faisait détourner le regard de la cruauté qu'il pouvait avoir envers ses victimes, qui elles, bien qu'ils faisaient leur travail, n'ont pas eu une seule pensée pour les victimes collatérales de leur défense.


Mes principaux commentaires négatifs, contrairement au premier tome qui n'en comportait aucun, sont que les chapitres sont légèrement moins bien construits et qu'Antoine a été trop absent à mon goût. Au niveau des chapitres, parfois j'avais l'impression qu'on s'égarait dans le sujet et qu'on se perdait sur tout ce qui se passait. Quant à Antoine, puisqu'il n'est plus un protagoniste important, il devient un personnage secondaire dans la deuxième enquête, mais c'est sa personnalité, ses convictions, ses valeurs qui me plaisaient à suivre. J'avais donc espéré qu'il soit plus présent.


En général, c'est une excellente duologie policière humoristique. Le genre d’œuvre qui ferait deux excellents films québécois avec Louis-José Houde dans le rôle d’un des policiers, principalement Gadbois. J'irai voir ça au cinéma demain sans problème.


 



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