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Logan

Pendant longtemps, j’ai cru que nous étions spéciaux, Julian et moi. Logan et Julian, les jumeaux identiques. Des doubles, des miroirs, inséparables. Je dois admettre que je me suis trompé. Nous sommes plus différents que je ne le pensais.


J’ai fait erreur sur beaucoup de choses, dernièrement. J’étais convaincu que notre famille était unie, et pourtant… Notre mère est partie sans donner de nouvelles ; notre père, qui me semblait inébranlable, n’est plus que l’ombre de lui-même ; et Julian, maintenant toujours en colère, garde ses secrets pour lui.


Quant à moi… Après des années à vouloir me rapprocher de notre ami Tao, voilà qu’il m’ouvre toute grande la porte, mais que je n’ose pas entrer. Commencer quelque chose de nouveau et risquer de voir mon monde éclater encore davantage m’effraie trop. Comment peut-on recoller les pots cassés quand il manque des morceaux ?


 

En toute transparence... Samuel a toujours été un de mes auteurs chouchous du côté des hommes en littérature québécoise. Malgré la déception que j'ai vécue avec Logan, je le considère encore comme mon auteur préféré, car il a toujours réussi à me faire vivre des émotions avec ses histoires. Dans Kaléidoscope, Sacha m'a fait pleuré. Adam, Antonin et James ont su me toucher à leur façon. L'auteur est également l'un des rares à publier des histoires LGBTQ+ au Québec, une littérature qui, allez savoir pourquoi, ne conquit pas les cœurs autant qu'ailleurs. J'avais donc très hâte de découvrir l'histoire de Logan et malgré les péripéties qui se sont passées après la sortie de la critique non officielle, je tenais à écrire un avis complet.


Je vais commencer avec le positif. L'histoire est très bonne. Logan et Julian sont d'excellents personnages qui, malgré le fait qu'ils soient jumeaux, ont leurs différences et c'est à travers cet été qu'ils vont découvrir à quel point ils ne sont pas identiques dans leur personnalité, comparé à leur physique. Julian est plus sensible, mais également plus enclin à laisser sortir sa colère de manière violente. Logan est plus réservé, réfléchi, mais il a tendance à tout prendre sur ses épaules. Un point commun qu'ont les deux frères : ils ont la mauvaise manie de s'isoler lorsqu'ils sont prisonniers de leurs pensées intrusives. Ce sont des personnages très bien construits, avec leur subtilité. Comme Tao, ce n'était pas difficile pour le lecteur de reconnaître Logan et Julian, même si leurs chapitres sont écrits différemment. Leur caractère n'est pas le même.


En arrière-plan, on suit deux histoires : Logan qui tente de faire le point sur ses sentiments pour Tao et Julian qui vit une très grande frustration vis-à-vis le départ soudain de leur mère et la dépression de leur père. On a donc plusieurs lignes directrices qui se rejoignent : la relation homosexuelle, l'abandon parental et la dépression d'un parent. Ce sont trois thèmes très importants qui ont été exploités, mais selon moi, pas assez en profondeur.


Vous devez comprendre que lorsque je lisais le livre, je n'avais pas l'impression que c'était le Samuel que j'aimais tant, qui me faisait vibrer, qui avait écrit ce roman. Ça ne lui ressemblait pas. Je vais parler de la forme plus loin, mais même le fond semblait être un remplissage perpétuel. C'est normal pour des personnages de se questionner, de tourner autour du sujet pour trouver une ou plusieurs solutions. À un auteur de revenir sur ce thème-là plusieurs fois. C'est comme ça que l’on construit un roman pour adolescent qui est surtout centré sur l'évolution des personnages et non pas de l'histoire. Le problème, c'est que les idées se répétaient au lieu d'ouvrir d'autres portes de pensées. Julian ne faisait que dire que, "depuis que sa mère est partie", il y avait ci et ça. Quand on parlait de la dépression du père, c'était toujours pour répéter comment il était incapable de sortir de la maison, qu'il avait une routine de "larve", si on peut dire ça comme ça. On nous rappelait sans cesse que Julian et Logan étaient des jumeaux identiques (sérieusement je crois que c'est marqué une trentaine de fois). On ne rentrait pas dans les émotions. Qu'est-ce que le père peut ressentir s'il est à terre à ce point ? Oui, Logan et Julian sont des adolescents, mais j'ai eu l'impression qu'on restait toujours en surface au lieu de plonger dans le bobo pour venir nous chercher les tripes en tant que lecteur. La seule chose que je trouve qui a bien été traité, c'est l'ouverture de la relation entre Tao et Logan. J'ai trouvé que la réaction de Logan était très appropriée pour un adolescent en questionnement et que la suite des choses se fait à un rythme respectable.


Ce qui m'a permis d'apprécier le fond, c'est vraiment les personnages. Ils sont attachants, autant les jumeaux que Tao qui vient ajouter un petit quelque chose. Même si la relation homosexuelle reste en arrière-plan, ce que j'ai trouvé un peu dommage pour un Kaléidoscope, on a quand même des sujets sensibles, intéressants qui présentent des émotions légitimes vis-à-vis des situations difficiles et remplies de questionnement. Même si certains passages manquaient un peu d'originalité, le récit était agréable et se suivait très bien. C'est un livre qui se lit vite, ça, aucun doute. J'ajoute aussi que le personnage de Christopher, le prête de l'église, qui va soutenir Julian tout le long du roman a été un ajout extrêmement intéressant, puisqu'il sortait des clichés tout en ajoutant une sagesse et une touche d'humour.


Donc, l'histoire, malgré des répétitions d'idées, était quand même très bonne. Si ça n'avait été que ça, j'aurais vraiment aimé ma lecture. C'est vraiment la forme qui a été un problème. Et c'est ça que je n'ai pas compris et que je ne comprends toujours pas. Après tout ce qui s'est passé, je suis encore dans le néant sur le travail qui a eu lieu sur le manuscrit. Il faut comprendre que j'ai travaillé longtemps avec les Éditions de Mortagne. Je connais leur rigueur, leur façon de travailler. Ce n'est pas du tout dans leur habitude de publier un roman qui a autant de problèmes. Au point que même des personnes qui normalement ne remarquent pas les fautes les ont vues. Même Samuel... c'est la première fois que j'ai eu l'impression qu'il avait écrit un livre qui ne l'inspirait pas. Ou qu'il l'inspirait, que des changements ont eu lieu et... je ne sais pas. Vraiment, je n'ai aucune idée, je pourrais donner des suppositions longtemps, mais les faits sont là : il y a un grave problème avec la forme.


On peut me reprocher beaucoup de choses, mais je n'ai pas inventé ces erreurs. Des coquilles, il y en a dans tous les romans, c'est même quelque chose de normal. Sauf que là, il y avait des problèmes d'accord, des pléonasmes et une quantité absolument épouvantable de répétitions. La répétition en tant que figure de style, je peux comprendre, bien qu'il faut que celle-ci soit bien utilisée, mais là, on aurait dit du remplissage. Je me permets de remettre le passage cité du livre (à la page 128) que j'ai mis sur Goodreads, mais cette fois-ci en photo, car le copier-coller d'un texte tiré d'une image avec un iPhone a tendance à mettre des fautes là où il n’y en a pas. Je veux surtout monter les répétitions.

Le problème, c'est que c'est comme ça à plusieurs endroit du roman. Selon moi, le plus flagrant, c'est la page 11, que je me permet de vous mettre également en photo.

Outre les répétitions, il y a aussi une faute d'accord avec "des petits flocons de neige différents" (selon la vitrine linguistique : Lorsqu’il se trouve devant un nom précédé d’un adjectif, le déterminant indéfini pluriel des est généralement réduit à de). Je sais que c'est un détail pour tellement de personnes, mais quand on a passé des mois dans les manuels de règles de grammaire, malheureusement ce genre d'élément vient nous sauter au visage. Ça ne veut pas dire que je ne fais pas de fautes moi-même, mais c'est surtout que je connais la rigueur des Éditions de Mortagne et ça ne leur ressemble pas, ce genre d'erreur ! Les répétitions, ce n'est pas juste à la page 11 et la page 128. À la page 93, « pleurer » et « pleure » revient trois fois en quatre lignes. Page 105, même si la répétition semble avoir été utilisée en figure de style, le mot « affaire » revient quatre fois en trois lignes. Et il y a la fameuse phrase de la page 237 : « C’est important que tu vives ta vie à toi et qu’il vive sa vie à lui ». C'est non seulement un double pléonasme, mais c'est surtout que ça aurait pu être simplifié par « C’est important que tu vives ta vie et lui la sienne ». Comprenez-vous pourquoi j'ai été désorientée, sous le choc de la forme ? Parce que je sais que ce n'est pas habituel. Parce que je ne comprends pas comment ça l'a passé. Cette équipe qui a toujours travaillé rigoureusement a laissé passer autant de problèmes tout le long du roman. Du début à la fin. Il n'y a rien de normal à ça et encore moins aux Éditions de Mortagne où c'est la première fois que je voyais autant d'erreurs dans un roman. Encore une fois, je pourrais élaborer une dizaine de scénarios pour essayer d'expliquer, mais je n'ai pas la vérité absolue et je n'étais pas dans leur bureau au moment où ils travaillaient sur ce roman. Cependant, les faits sont là.


L'autre problème, ce sont les incohérences. Je suis une personne qui tient le plus possible à ce que les romans contemporains soient réalistes ou pour le moins, cohérent. Ça, normalement, ça se règle lors de la révision éditoriale, mais il s'est passé quelque chose là aussi, parce que la réalité est que l'histoire entière ne tient pas la route (oh le jeu de mots) avec l'incohérence suivante : Julian, Tao et Logan conduisent une voiture tout seul... à 16 ans. Je ne sais pas s'il y a eu un changement d'âge à un moment de la révision, mais il y a eu un manque là, car selon la SAAQ, il est impossible de pouvoir conduire tout seul à 16 ans. Avant, on pouvait commencer les cours théoriques pour le permis temporaire (d'apprenti maintenant) et faire l'examen pour le permis qui permet de conduire accompagné à ses 16 ans, pour ensuite attendre les 12 mois pour l'examen du permis probatoire à son 17e anniversaire. Aujourd'hui on ne peut même plus commencer ses cours avant ses 16 ans selon la SAAQ. Donc il est tout simplement impossible de conduire seul à 16 ans, sauf en illégalité. Mais, voilà, dans le roman, les 3 garçons conduisent seuls tout le long. Pour aller en escalade, pour aller camper, pour aller en ville, lorsqu'ils cherchent Julian, bref, si on leur enlève la possibilité de conduire seul, le reste de l'histoire s'effondre comme un château de cartes, car on se rappelle que le père est dépressif et ne sort pas de la maison.


L'autre problème de réalisme et ça, c'est vraiment personnel à moi, c'est le côté monétaire. J'ai pour pensée que lorsqu'un livre sort et qu'il n'y a pas de date à l'intérieur (comme c'est le cas pour tous les tabous), l'histoire se passe dans notre présent avec plus ou moins un 5 ans d'écart, disons. (Et en excluant la Covid) On est en période d'inflation depuis un bon moment maintenant. Et disons que l'histoire se passe dans 5 ans et que l'inflation est finie, je suis quand même un peu troublée par l'aisance monétaire du papa dans l'histoire. Il a quand même un très bon métier, il est éditeur dans un journal, un bon poste, haut placé, si je me souviens bien. Le genre de métier que selon Google tu peux avoir un salaire qui tourne autour du 75 à 80 000$ par année, ce qui est excellent, même dans notre économie. Là où je veux en venir, c'est que sa femme est partie. Il se ramasse donc seul à payer une hypothèque, l'épicerie (qu'il fait livrer), tout ce qui concerne ses deux fils, en plus de deux voitures. Il tombe en arrêt pour sa dépression pas longtemps après. Ça dure quelques mois, cet arrêt. Même avec le chômage maladie, on s'entend qu'il y a un creux monétaire important. Ensuite le père a un rendez-vous avec une psychologue en claquant des doigts, on assume qu'il va donc au privé où c'est 120$ la session, au minimum. Pour finalement offrir à ses fils un voyage à 3 au Portugal pour Noël. Écoutez, je ne suis pas super bonne en mathématique, mais il me semble que ça fait beaucoup de dépenses et de changements dans les finances pour que tout se tienne, même avec beaucoup d'économies. C'est vraiment un détail de réalisme que probablement tout le monde va s'en foutre, mais moi, ça m'a agacé. Car je ne comprenais pas d'où l'argent sortait. Peut-être parce que je suis habituée d'être pauvre moi-même, donc c'est le genre de vie en suburb que j'ai de la difficulté à visualiser, sauf que c'est le genre de petit truc que j'aime qui soit réfléchi et réaliste.


Je suis donc sortie de ma lecture extrêmement déçue. J'ai quand même aimé le clin d'œil à un autre roman de la collection et les personnages, mais la forme a vraiment tout gâché de mon moment de lecture. Un peu plus j'avais un marqueur rouge dans les mains et ce n'est pas agréable.


Je ne pensais jamais écrire un avis aussi négatif sur un livre de Samuel Champagne, mais c'est le cas. J'espère sincèrement que son prochain me ramènera à ce que j'aime tant de cet écrivain.


 


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