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Photo du rédacteurMione

Balcons

Au deuxième étage d’un duplex du Plateau, Xavier fixe l’horizon. Après avoir abandonné ses études, son implication militante à l’université et le stage de ses rêves, il se retrouve devant bien peu de choses – à part peut-être Éli, dont il partage l’appartement.


Accablé par la honte, Xavier essaie d’éviter de penser aux épisodes sombres d’un passé trop récent pour être oublié. Mais entre les souvenirs qui l'empêchent de dormir se dessineront peu à peu les petites et les grandes violences qui donnent le vertige, peu importe la hauteur du balcon.


Pour passer outre, Xavier devra mettre des mots sur ce qui lui est arrivé, ce qui le dévore de l’intérieur.


Un récit à la fois doux et amer, réaliste pour le pire, peut-être trop beau pour le meilleur.


 

En toute transparence... j'ai découvert l'autrice avec Sauf que Sam est mort, qui m'a fait pleurer toutes les larmes de mon corps. Quelques solitudes est venu ajouter également un coup à mon coeur. Je savais que c'était une auteure qui me plaisait, avec ses personnages aux relations souvent peu conventionnelles. J'ai ensuite lu sa duologie, Tant que ce sera l'été et Mais l'automne est arrivé. Je n'ai pas du tout aimé, je n'ai pas été capable d'accrocher aux longueurs, au côté psychologique du récit. Cependant, ce n'était pas une raison pour moi de ne plus lire l'autrice à nouveau. Je savais qu'elle avait quelque chose de magique dans sa plume et j'ai eu raison de me procurer Balcons. C'est la preuve qu'on ne doit jamais mettre de côté une plume, car un ou deux de ses livres nous plaisent moins.


J'avoue que, même en tant que Québécoise née dans un milieu où les québécismes et les barbarismes faisaient partie du quotidien de ma vie, j'ai dû m'ajuster à la narration orale du texte qui, parfois, respecte les règles de français et parfois non. Je trouve que c'est un style qui commence à prendre de plus en plus de place dans notre littérature et je n'en suis pas dégoûtée. Il faut s'y habituer, ça c'est certain, surtout lorsqu'on est habitués aux romans qui suivent les règles de la littérature française à la lettre, mais cette oralité m'a permis de connecter encore plus avec les personnages. Tu as l'impression que c'est un ami qui se confie à toi sur Messenger au lieu d'un grand sage qui te dicte ses saines paroles. J'aime ça, même si ç’a été une petite difficulté au début. Ça et les sauts dans le temps qui n'étaient pas toujours faciles à voir. Là-dessus, je lève le drapeau rouge, car j'ai relu une dizaine de passages pour comprendre qu'on était plus dans le présent. Ça, par contre, c'est assez dérangeant, car ça me sortait de ma lecture. Un saut dans le temps sans ellipse, sans note, simplement un nouveau paragraphe qui devient un souvenir, ce n'est pas la meilleure façon de faire pour rendre la ligne narrative fluide.


Outre ces éléments, je n'ai qu'une chose à dire : damn. On avait besoin d'un livre comme ça. C'est triste comme récit, on ne se le cachera pas. Xavier est en pleine dépression après vécu un - je dirais même des - événement traumatisant. Il s'éloigne, s'isole, contemple le bas du balcon du duplex qui l'accueille par fortune de la vie. Éli, c'est un gars qui voit la vie avec des lunettes fleuries, avec le sourire et la joie facile, mais à l'âme brisée. Les deux garçons ont leur propre noirceur et leur rencontre, complètement par hasard, est probablement la plus belle chose qui pouvait leur arriver. Cette histoire, c'est triste, mais c'est tellement fucking beau en même temps. C'est un roman avec une amitié saine, vulnérable, sans masculinité toxique. Xavier et Éli, c'est s'ouvrir sur les émotions que les hommes se font dire toute leur vie de garder en dedans. C'est d'accepter que deux hommes peuvent se faire un câlin sans que ce soit "gay". C'est de trouver une âme sœur sans que ce soit romantique ou sexuel. Ce sont deux personnages incroyables, profonds, perturbés, mais qui ont surtout besoin de retrouver comment aimer. Les autres, mais avant tout, eux-mêmes.


J'ai pleuré, bien évidemment. J'ai rit, aussi, surtout quand les garçons font un trip de drogue autrichienne qui mène Xavier à demander l'orientation sexuelle d'Éli. J'ai aussi été en beau tabarnak après l'osti de chien sale qu'est Jean-Simon. Je ne suis pas quelqu'un qui aime beaucoup la politique québécoise et, sans rentrer dans les détails, il y a un parti en particulier qui me donne des sueurs froides. Jean-Simon m'a fait penser à une personne dans ce parti politique et j'avais envie de le frapper. Rentrer dans le livre, le ramasser par le collet pis lui faire avaler sa graine en plein milieu d'un point de presse. Sa manipulation, sa violence psychologique, son égoïsme, son manque de respect... C'est un personnage narcissique qui donne envie de vomir. Je me permets le commentaire, car je l'ai pensé tout le long de ma lecture : y peut ben être en politique câlisse ! J'avais juste hâte à sa chute, j'espérais qu'elle vienne, que Xavier voit à quel point il est manipulé par cet homme abject. Xavier mérite des gens comme Éli dans sa vie, pas des Jean-Simon.


Ce qui est plaisant aussi avec ce livre, c'est que c'est un roman à propos d'un écrivain d'essai... qui tourne donc le roman en essai, dans un sens. Car c'est une critique de beaucoup d'aspects de notre société. C'est la pression des études supérieures, la santé mentale, les agressions sexuelles, la corruption en politique, les mensonges, la manipulation, la violence, les relations avec les parents qui ne sont pas toujours bonnes, que c'est parfois nécessaire pour un enfant de couper les ponts avec ses parents pour se préserver.


J'ai été émue, touchée, j'ai vécu toute la panoplie des émotions humaines, car c'est ça que l'auteure réussie à faire de mieux. C'est pourquoi je l'ai autant aimée dans ses premiers romans, la raison pour laquelle je pouvais dire que j'adorais sa plume. C'est avec une histoire comme celle-ci, avec des personnages comme Xavier et Éli, qui me faisaient penser à Alex et Jean-Thomas, que j'arrive à vivre à travers une histoire. C'est montrer l'humain dans toute sa grandeur.


Ce livre est important. Nécessaire.

Encore une fois : maudit que c'était beau.



 


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